Article publié le
17/6/2023
Billet

Manger nos territoires

Le chef Bobby Grégoire nous invite à repenser notre approche de l'alimentation locale. Dans son dernier billet de blog, il partage un fil de réflexion qui lui trotte dans la tête depuis un certain temps. Selon lui, le discours général sur le manger local manque de sens commun et de profondeur. Il constate que le terme "manger local" est souvent utilisé de manière vague et inclut parfois des ingrédients qui ne correspondent pas à l'idée de proximité. Bobby propose donc d'aller au-delà de la simple notion de kilomètres alimentaires et de se tourner vers une approche plus holistique : manger le territoire. Pour lui, la transition vers une alimentation durable nécessite une compréhension plus profonde de toutes les dimensions de nos aliments. Il tire son inspiration d'un défi locavore qu'il a relevé en 2009 et des milliers de questions qui ont émergé depuis lors, guidé par une quête de sens. Bobby souligne l'importance de reconnaître que tous les aliments ne se valent pas et que chaque territoire a son profil distinct, influençant les goûts, les arômes et les textures. Manger le territoire devient ainsi une expérience qui célèbre la complexité et les saveurs changeantes au fil des saisons. Bobby nous invite à découvrir cette approche consciente de l'alimentation en nous laissant guider par nos sens et en embrassant la richesse culinaire de notre propre territoire.

As-tu, toi aussi, l'impression que le discours général du manger local sonne creux ?
Moi, définitivement ! Aujourd'hui, je voulais te partager un fil de réflexion qui me trottait dans la tête depuis quelque temps. Pourquoi manger local pour être durable, ça ne suffit pas !

Tu vois, manger local, ça veut un peu dire à la fois tout et n’importe quoi quand tu sillonne internet. Combien de fois j'ai vu des recettes « 100% locales » qui incluent des agrumes !? Ça manque de sens commun, ça manque de profondeur… 

On oublie trop souvent les dimensions essentielles de nos aliments pour réellement donner du sens à ce que l’on mange. Je te propose aujourd'hui de changer d’approche, d’aller plus loin, de manger le territoire ! Je veux t’amener aujourd’hui dans une réflexion, à aller plus loin qu’une simple notion de kilomètres alimentaires.

The 100-Mile Diet


Ce qui m’a amené de manger local à manger le territoire ? Faire la transition vers une alimentation durable, ça ne se fait pas en claquant des doigts ! J’ai quelques souvenirs de mon défi de 2009 : manger selon le régime des 100 miles, un défi locavore basé sur le livre « The 100-mile diet » paru en 2007 et qui a eu un effet bœuf. Je me suis rendu compte qu’en recherche de la simplicité, j’ai trouvé uniquement de la complexité…


La recherche de proximité absolue ne nous donne pas une image complète de l’alimentation. Mais ça ouvre plutôt la porte pour entrevoir un système alimentaire dans toute sa complexité. Et c'est une bonne chose! À la recherche de réponses et de solutions, j’en suis ressorti avec des milliers de questions qui ont évolué au cours des 14 dernières années, guidé par une quête de sens.

En alimentation, tout n’est pas « égal par ailleurs » ! L’alimentation ce n’est pas une simple commodité sans valeurs autres que pécuniaires. C’est-à-dire qu’un aliment produit à un endroit ne se compare tout simplement pas en goût et caractéristiques à un aliment produit ailleurs. Il y a une question de variété génétique, de climat et de sol, et de la main de l'artisan-producteur qui influent sur le goût, sur notre plaisir de manger.

En alimentation durable, les solutions simples mur à mur, sans modulation, sans adaptation ne fonctionnent pas nécessairement partout. Ça va pour tous les projets, toutes les initiatives, elles doivent d'abord s'ancrer localement.

Le système alimentaire québécois est bien plus complexe qu’une simple notion de kilomètres alimentaires ou que la simple question du lieu d'achat. Qu'est-ce que manger le territoire alors ?

C'est une invitation à considérer l'aliment dans toutes ses dimensions, ses influences en relation avec le territoire et d'embrasser la complexité. C'est observer les relations entre ce que l'on mange, ses goûts, ses arômes, ses textures et son histoire, tous influencés par son territoire et sa culture. C'est manger avec tous nos sens, des aliments qui s'imprègnent de la couleur unique de notre coin de pays.

Manger le territoire est une combinaison qui ne peut être obtenue qu'en embrassant la complexité des liens, en célébrant le savoir-faire et l'expertise des producteurs-artisans d'ici. Manger le territoire est une expérience qui donne une valeur à la complexité et à la célébration des goûts changeants tout au long des micro-saisons, qu'ils soient cultivés ou encore sauvages.

En Mauricie, ma région d'adoption, il s’agit de faire le lien entre culture et nature. Un genre d'équilibre entre l’abondance sauvage de la nature et l’abondance des marchés fermiers. C'est découvrir tout l'éventail du garde-manger boréal sauvage tout en découvrant les spécialités des artisans-producteurs d'ici au fil des saisons. Chaque territoire a son profil distinct et ses accords saisonniers. Laisse tes sens te guider.

Mékinac par exemple est une terre riche de lacs et de rivières, façonnée par les collines, les falaises, les vallées et les plaines. Ce territoire immense est tantôt revêtu de forêts, d'érablières, de pâturages, de champs et de tourbières. Chacun de ses éléments influence notre expérience des aliments et du territoire. Selon les saisons, on y trouve des chanterelles, des quenouilles nouvelles et des amélanches, des asperges, de la chicorée et de la rhubarbe pour n'en nommer que quelques-uns.

Manger le territoire, c'est manger avec tes sens. C'est manger avec conscience !

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Chef consultant et créateur de contenus en alimentation durable, j’accompagne les mangeurs, organisations et leur communauté dans la transition socio-écologique par l'alimentation. Ma raison d'être : donner du sens à ce que l'on mange!