Le coup de grelinette - Chroniques de La Ferme impossible
Explorez les saisons agricoles à travers les yeux de Dominic Lamontagne, qui nous emmène dans un voyage captivant au cœur de la vie à la ferme. Dans cette série d'articles, Dominic Lamontagne met en lumière l'importance vitale d'une alimentation durable et responsable, célébrant le travail essentiel des agriculteurs artisans. Plongez-vous dans ces récits pour redécouvrir le lien précieux entre notre nourriture, notre santé et notre planète.
Ne manquez pas le précédent article de Dominic Lamontagne : SAPERE AUDE!
Je pense que le type de modèle économique vers lequel nous devrions tendre – et, comme toujours, j’emploie le terme « économique » au sens où Alain Deneault l’utilise dans L’économie de la Nature (Lux, 2019), c’est-à-dire où « l’économie relève des relations bonnes [escomptées] entre éléments, entre gens, entre choses » – est l'économie de subsistance.
Ce type d’économie vise à produire – dans mon cas à élever, abattre, semer, cueillir, bûcher, construire (etc.) – juste ce qu’il faut pour répondre à ses besoins fondamentaux. En avoir juste assez, n’est-ce pas tout ce qu’il faut pour se sentir riche? Il y a des jours où je suis certain que c’est le cas. D’autres, où je pense que je dis n’importe quoi. Ça dépend de mes lectures, de mon humeur et de mon emploi du temps.
Parlant d’emploi du temps; après avoir mis les poules à la porte de la serre le 1er avril, j’y retourne pour passer mon coup de grelinette annuel, c’est-à-dire que je vais y ameublir le sol à l’aide d’une fourche à bêcher à deux manches. En 90 minutes, j’ai retourné les 900 pi2 (84 m2) de ce jardin intérieur qui nous permet, chaque année, de faire pousser nos fruits les plus gourmands en chaleur : tomates, aubergines, poivrons, piments Biquinho, luffas et concombres. Je me souviens y avoir aussi tenté la culture des arachides, du gingembre et des melons. Ça fonctionne, mais les rendements sont maigres sur une aussi petite surface.
Chaque année, je répète le même petit rituel : je plante une bière dans le banc de neige à la porte de la serre, puis j’entre et je retourne la terre d’un trait, sans m’arrêter. Une heure plus tard environ, je m’assois sur une caisse de lait, dans la serre, j’ouvre ma bière bien froide, et je la bois en contemplant le travail accompli. Ça me fait le plus grand bien de me remettre ainsi au travail manuel.
Deuxième étape, arroser abondement la terre pour abreuver tous les micro-organismes qui assurent le compostage des feuilles mortes et de la fiente de poule accumulées sur le sol de la serre pendant l’hiver. Ensuite on laisse reposer. Vers la fin du mois, j’y reviens pour monter mes buttes. Au nombre de six, ces buttes constituent les planches potagères sur lesquelles, dès le 1ermai, nous planterons les plantules qui grandissent dans la maison depuis le mois de mars.
L’année dernière, nous avons récolté 300 kg de fruits et légumes divers dans la serre. Voilà dix ans que le cycle se répète : à l’automne, quand les jardins sons fanés, les poules rentrent au bercail. Puis ressortent au printemps, laissant derrière elles un sol réénergisé, prêt à l’emploi. Depuis que nous procédons ainsi, pas besoin d’ajouter de terre, il s’en crée, grâce au compostage des feuilles mortes et des fientes. Nous obtenons donc de cette serre-poulailler : un abri pour les poules, des œufs, de l’engrais et de la terre en hiver, et puis des fruits et des légumes en été.
Retrouvez la suite de cette série avec : Dehors les poules ! - Chroniques de La Ferme impossible