Ominiculture: cultiver abondance et résilience - Chroniques de La Ferme impossible
Explorez les saisons agricoles à travers les yeux de Dominic Lamontagne, qui nous emmène dans un voyage captivant au cœur de la vie à la ferme. Dans cette série d'articles, Dominic Lamontagne met en lumière l'importance vitale d'une alimentation durable et responsable, célébrant le travail essentiel des agriculteurs artisans. Plongez-vous dans ces récits pour redécouvrir le lien précieux entre notre nourriture, notre santé et notre planète.
Retrouvez la préface inspirante de Dominic Lamontagne ici : Rapailler nos territoires - Préface
« Par subsistance nous n’entendons pas seulement "ce qui sert à assurer l’existence matérielle", mais plus largement le fait de subvenir par soi-même autant que collectivement à ses propres besoins élémentaires, c’est-à-dire une production directement utile à la vie quotidienne de ses proches et de ses connaissances élargies et non une marchandise faite avant tout pour être vendue et rapporter de l’argent » (Bertrand Louart, Réappropriation, éditions de La lenteur, 2022)
Subsister, c’est ramener la consommation à la production, produire directement ce dont nous avons besoin pour vivre au jour le jour et mettre la valeur d’usage au-dessus de la valeur marchande.
Alors que nos activités fermières battent leur plein sur notre petit homestead lucilois, force est de constater qu’après dix années passées à établir notre fermette, nos efforts portent fruit.
Le lait coule à flot. Quotidiennement, des crottins sont moulés à la louche et le petit lait qui reste, fortement protéiné, est servi à la volaille, imbibé dans le pain sec que le boulanger du village nous troque à chaque semaine contre quelques œufs. Ceci nous permet d’économiser sur le coût de la moulée qu’on doit encore acheter pour les volailles. Dans la serre, les tomates vertes murissent et la centaine de poulets que nous élevons au pâturage grandissent.
Enfin l’aspergeraie est mure pour la récolte! À chaque jour, une botte d’une douzaine d’asperges fait notre régal. Les camerises sont abondantes, ainsi que le kale, la livèche, le bok choy, les œufs, les épinards et les laitues. Hier, nos premiers concombres et courgettes atterrissaient sur notre table à manger. Et avant-hier, je préparais une rillette de volaille avec un de nos derniers poulets en réserve au congélateur. Il s’agit là de notre première charcuterie entièrement faite maison!
Devant ce flot continu de denrées qui ne se tarira pas jusqu’à l’automne, occupés à récolter ce que nous avons semé, à entretenir ce que nous avons bâti, nous réalisons qu’il est maintenant possible (et nécessaire!) de ralentir notre croissance, freiner le défrichage de nouvelles parcelles, profiter de nos acquis. Voilà le rêve de tout colon parachuté en terrain hostile : après des années d’efforts, pouvoir enfin embrasser du regard quelques hectares en culture, des animaux qui paissent, une chaumière confortable dont la cheminée boucane doucement… et passer enfin à l’étape de la consolidation; rendre plus solide.
Raffiner ses méthodes, s’assurer de leur pérennité et de leur résilience et, autant que possible, se faciliter la tâche pour qu’à chaque année, à chaque fois que le cycle recommence, on dépense moins d’énergie pour en arriver plus ou moins aux mêmes résultats.
En contrepartie d’un effort moindre (et pas d’un moindre effort!), obtenir une grande part de ce dont nous avons besoin pour vivre; savoir poser les bons gestes, grâce aux bons outils, au bon endroit, au bon moment, la voilà la sagesse qu’on acquiert au fil du temps.
À partir de maintenant, les paysans omnicoles que nous sommes replanterons et désherberons les parcelles que nous avons défrichées, nourrirons les troupeaux que nous avons élevés, réparerons ce que nous avons construit, nous serons, en somme, cette poussée ponctuelle qui maintient le balancier en mouvement, saison après saison, année après année.
Poursuivez la lecture avec le prochain texte de la série : SAPERE AUDE! - Chroniques de La Ferme impossible