Article publié le
2/11/2023
Circuits courts

Pôles alimentaires régionaux : unir les forces pour plus d’impact

Favorisant l’approvisionnement local en mettant en place des infrastructures et des réseaux de distribution efficaces, les pôles alimentaires au Québec sont des initiatives qui prennent de l’ampleur depuis plusieurs années. Bien que cette stratégie présente de nombreux avantages, elle soulève également des questionnements quant à son efficacité et aux défis auxquels elle fait face.

Définition des pôles logistiques :

« Entreprise coopérative ou OBNL (selon le cadre de référence de l’économie sociale et la Loi sur les coopératives) regroupant des exploitants agricoles, et/ou des individus, et/ou des organisations qui travaillent ensemble pour construire des systèmes alimentaires durables de proximité, socialement et économiquement robustes et écologiquement sains qui relient les agriculteurs aux consommateurs par une ou plusieurs fonctions de la chaîne logistique. » source : Conseil Québécois de la Coopération et de la Mutualité (CQCM)

Deux projets de recherche tentent actuellement de mieux cerner les défis auxquels se butent les agriculteurs. Tour d’horizon sur les données collectées à ce jour.

Au cœur des recherches : les études en cours sur les pôles alimentaires

Deux études retiennent particulièrement l’attention du milieu en ce moment et ont permis une collecte de données efficace afin de connaître les besoins de l’industrie et l’intérêt des agriculteurs et des consommateurs :

➜ Recherche de Patrick Mundler sur 2 ans : 

Patrick Mundler, professeur titulaire en développement rural à l’Université Laval, et son équipe travaillent sur un projet de recherche avec, comme proposition, les besoins en commercialisation des fermes de proximité. Leur hypothèse : est-ce que ces fermes seraient capables de fournir certaines institutions du Québec ? Leurs résultats seront publiés en juin 2024.

➜ Projet de recherche du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) sur 3 ans : 

Le CQCM et le Réseau des Coops d'Alimentation (ICI Coop) ont publié un premier rapport intitulé «Pôles logistiques agroalimentaires en économie sociale» en juin 2022. Ce rapport dresse un portait sommaire des entreprises pôles logistiques en alimentation et présente des actions sont en cours visant à encourager le modèle de pôles logistiques au Québec. 

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Ces deux projets sont porteurs de nouvelles pratiques dans le domaine agroalimentaire. Si le professeur Mundler et son équipe sont davantage penchés sur les données, le CQCM propose déjà plusieurs activités pour faire connaitre davantage et stimuler le modèle des pôles logistiques alimentaires. 

Selon Marie Lacasse, conseillère au CQCM, « notre projet est en deux phases. Nous avons d’abord concerté les acteurs du milieu pour mieux diriger nos actions par la suite. Nous en sommes à la deuxième phase, soit de valoriser l’écosystème de développement pour nous assurer que les accompagnateurs (les MRC, les organismes, etc.) aient les bonnes informations pour guider ceux qui souhaiteraient aller vers la mutualisation. »

Ainsi, le CQCM contribue à la connaissance générale des enjeux et au partage des connaissances pour inciter à la mutualisation.

Besoins réels du secteur agro-alimentaire

Selon le rapport du CQCM, les pôles logistiques peuvent assumer plusieurs fonctions pour aider ses membres. La coordination des activités post-récolte n’en est qu’un exemple. La transformation, l’entreposage, la vente, la distribution, la livraison et la mise en marché représentent des actions que peuvent remplir les pôles logistiques. 

Ainsi, l’objectif d’un pôle est de renforcer l’efficacité et l’accessibilité du secteur agroalimentaire local pour mieux servir l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur, de la production à la consommation. En plus des fonctions logistiques, plusieurs projets intègrent des activités d’ordre social, dont des ateliers, des activités de sensibilisation et d’éducation ou des services d’accompagnement des producteurs ou des territoires. 

Dans son rapport préliminaire, le CQCM a sondé 18 entreprises, soit des coopératives ou des OBNL. Les besoins qui ressortaient principalement étaient la mutualisation des services avec d’autres entreprises, de l’aide en gestion et en comptabilité, la logistique et le marketing.

20.9% des fermes québécoises pratiquent la vente directe.

À noter que 88% des entreprises sondées offrent des services de mise en marché et 59% un service de livraison et cueillette. Il s’agit donc, et de loin, les services les plus populaires pour l’instant dans les pôles logistiques sondés. Si on regarde du côté des agriculteurs, ce sont 20.9% des fermes québécoises interrogées qui pratiquent la vente directe, sans intermédiaire, selon un rapport daté de mai 2023 émanant de M. Mundler. 

Sonder l’intérêt réel des agriculteurs et des consommateurs

Un des problèmes soulevés par le professeur Mundler et son équipe consiste dans l’intérêt réel des agriculteurs et des consommateurs. 

Commençons par les agriculteurs. Plusieurs pôles se butent au fait que les gens y sont intéressés, mais n’ont pas de temps, d’énergie ou d’intérêt marqué pour développer un pôle. Or, pour que ça fonctionne, les acteurs concernés doivent absolument y investir un peu de temps. Ce n’est pas un pourvoyeur de services, mais bien un regroupement et, comme bien souvent, ce sont les mêmes personnes qui s’impliquent, soit une minorité. Ce petit pourcentage finit par se lasser de tout faire pour les autres.

Le CQCM a lui décidé d’aller à la source en sondant l’intérêt des pôles à participer à des rencontres et à collaborer entre eux. Leurs résultats montrent « que 61 % des répondants sont intéressés à participer à des rencontres informelles, et que 78 % de ces derniers désirent explorer les collaborations possibles entre les pôles. Également, 84 % des répondants affirment être intéressés par des rencontres avec des experts du domaine sur des enjeux spécifiques, dont 56 % disent être très intéressés. Ces données sommaires illustrent tout de même clairement que les répondants désirent échanger dans une vision d’intercoopération, ce qui constitue un élément clé de réussite dans la mise en place d’un plan d’action stratégique visant à renforcer ce secteur d’activité innovant et en émergence. » (D’après le rapport Pôles logistiques agroalimentaires en économie sociale)

Du côté des consommateurs maintenant. S’ils sont prêts à se déplacer ou à acheter leurs produits frais ailleurs que dans une grande épicerie, ils ne sont quand même pas prêts à faire plusieurs endroits pour trouver tous les produits dont ils ont besoin. Le problème de l’accès est donc un enjeu crucial ici.

Des pôles sont donc cruciaux pour regrouper plusieurs aliments sur une même plateforme, ainsi que pour fournir les restaurants, les commerces, les hôpitaux et les écoles. 

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Des solutions durables : Les exemples de mutualisation dans les pôles alimentaires

Bien que ces études fassent ressortir les besoins et les problèmes qui se posent dans le circuit court, ce qui en ressort principalement est un besoin de regroupement qui n’impliquerait pas trop les agriculteurs déjà débordés par leurs récoltes.

Projets locaux porteurs d’espoir

Plusieurs projets sont sur la table en ce moment, mais un retient particulièrement l’attention. Il s’agit de L’aube, pôle nourricier.

Initié par le Collectif Récolte, le Pôle de l’Aube est une nouvelle structure basée sur quatre fermes situées sur l’île de Montréal pour fournir des hôpitaux, des CPE et des organismes communautaires à quelques kilomètres de distances seulement. Grâce au regroupement et une coordination des offres, les producteurs sont capables de fournir une diversité de fruits et légumes en gros volumes tout au long de la saison.

La plateforme Arrivage, partenaire du projet, facilite les relations entre les producteurs et les acheteurs institutionnels qui envoient leurs commandes en toute simplicité chaque semaine. Le projet illustre à petite échelle l’hypothèse de recherche de Patrick Mundler. 

Partenaire du Système alimentaire local et intégré à Montréal (SALIM), le pôle nourricier « a pour objectif de renforcer les capacités de production et de mise en marché des fermes de l’Ouest-de-l’Île de Montréal, tout en facilitant l’achat de fruits et légumes locaux et biologiques par les institutions publiques et les organismes communautaires », pour reprendre les mots du Collectif Récolte. 

Partenaire clé du projet, la coopérative Coop Carbone accompagne le projet pour développer une intelligence logistique, l’optimisation des opérations et la réduction des gaz à effet de serre.

Ce type de projets pilotes à des échelles locales et régionales permettront de vérifier l’hypothèse de travail du professeur Mundler et de son équipe. Grâce à ces recherches théoriques et leur application à petite échelle, nous serons plus à même de comprendre comment rendre pérenne des collaborations entre les divers pôles au Québec.

La Coop Carbone, partenaire stratégique sur les projet de logistique durable

La coopérative offre  plusieurs solutions pour les organismes et les pôles logistiques alimentaires. Dans le mandat pour le pôle de L’Aube, elle assure par exemple une prestation directe visant à structurer un service de livraison clé-en-main.

Au-delà des mandats de consultation dans ses champs d'expertise, la Coop Carbone peut également endosser le rôle d’intervenant formateur, en plus de les outiller dans leur gestion du transport, la maîtrise de ses coûts et son calcul d'impact.

Dans le cadre d'un projet d’accompagnement mené par le CQCM destiné aux pôles logistiques alimentaires régionaux, la Coop Carbone intervient à titre d'expert formateur. L'objectif : accompagner les porteurs de projets afin de la aider à mieux intégrer les activités de logistique et de transport durable.

Par ailleurs, avec ses partenaires, la Coop Carbone développe actuellement du contenu de formation et des outils d'aide à la prise de décision qui permettront aux futurs projets de pôle logistiques agroalimentaire.

La Coop Carbone est donc un allié de taille pour les projets régionaux. Son expertise technique sur la mobilité et le transport durables offre une intelligence essentielle pour les porteurs de projets qui contribuent à bâtir des systèmes alimentaires territorialisés de proximité.

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Retrouvez notre article de blogue au sujet de la Coop Carbone.

Un levier pour les enjeux sociaux de notre société.

Derrière les pôles alimentaires, ce sont de réels enjeux sociaux qui se jouent. Comme société, comment veut-on se fournir en denrées alimentaires ? Est-ce une bonne idée de dépendre de l’importation pour nourrir la population du Québec ?

Comme nous le verrons ici, les enjeux sociaux sont multiples lorsqu’il est question de la provenance des aliments qui garnissent notre garde-manger. Que l’on pense au manque d’approvisionnement, aux emplois découlant du domaine agroalimentaire ou à l’argent dépensé dans le domaine, la liste des enjeux est longue. 

Assurer un approvisionnement local et durable

Quand on voit le prix des aliments qui ne cesse d’augmenter ou la rareté de certains produits, on comprend que l’on aurait intérêt à encourager davantage le marché québécois, plus près de nous et plus facilement contrôlable. 

Prenons la laitue par exemple. À cause de la sécheresse dans certains pays grands producteurs de laitue, son prix a explosé dans les derniers mois. La fameuse pomme de laitue est passée de 3$ à 8$ en quelques semaines. La seule alternative économique disponible était la laitue Boston produite en serres hydroponiques ici au Québec.

Plusieurs produits peuvent ainsi subir des variations de coûts avec l’effet de rareté causé par des catastrophes naturelles ou des problèmes de transport (que l’on pense à la Covid-19 et son lot de défis). La vente en circuit court, et particulièrement les pôles logistiques, permet aux consommateurs d’être un peu plus à l’abri des fluctuations en produisant et en transformant les aliments au Québec.

En plus du contrôle, l’intérêt réside également dans la circulation de l’argent.

Les retombées socio-économiques des pôles alimentaires

Organisations et territoires agricoles de la MAPAQ

Acheter, c’est voter, selon un adage. Ainsi, en tant que société, nous avons le devoir de nous demander où souhaitons-nous que notre argent aille? 

Pour exemple, le MAPAQ a calculé, pour l’année 2018, que la demande alimentaire globale des Québécois totalisait 48,9G$. Pour l’instant, la majorité de cet argent est dépensé dans les magasins alimentaires de style grandes surfaces. Ainsi, ce n’est que 1.6 % de ce montant qui est dépensé dans une catégorie autre, englobant les marchés publics, les paniers maraichers, etc. (selon l'étude Les fermes en circuits courts alimentaires au Québec produite par le professeur Patrick Mundler et son équipe).

Comme société, nous aurions intérêt à encourager davantage les producteurs locaux pour une circulation locale de l’argent. C’est bon pour le commerce d’ici, donc les gens peuvent dépenser plus et c’est une roue sociale positive qui est engrangée. Sans parler des emplois créés par le biais des pôles. 

Changement de paradigme pour les nouvelles fermes

Avec le développement de la société, le nombre de fermes a spectaculairement diminué partout dans le monde. Au Québec, par exemple, le nombre de fermes est passé de plus de 154 000 en 1941 à 29 380 en 2021 (Statistique Canada, 2022, tableau 95-632-X). Notons par ailleurs que le nombre de fermes a légèrement augmenté entre les recensements de 2016 et 2021.

Selon le rapport intitulé Les fermes en circuits courts alimentaires au Québec, cette légère augmentation de fermes se produit dans un contexte particulier. Ces nouveaux agriculteurs porteraient des aspirations différentes, s’inscrivant davantage dans des systèmes alimentaires alternatifs. Comme en témoigne l’explosion des inscriptions à la formation de gestion de l’entreprise agricole, avec une orientation en maraîchage biologique sur petite surface au Cégep de Victoriaville.

D’autre part, avec une offre qui serait autour de 3% du produit brut de l’agriculture québécoise, la contribution des fermes en circuits courts dans l’alimentation des Québécois est encore émergente. Par contre, la conscience collective et l’intérêt des Québécois pour ce type de culture pourraient changer la donne dans les prochaines années. 

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Imaginer de nouvelles solutions collectives 

La solution serait donc de regrouper les pôles sous une bannière ou un groupe pour que chacun puisse bénéficier des expériences et outils mutualisés des autres pour en faire grandir les membres. Autant du côté agriculteur que client.

Si on ne pense qu’au côté financier, les pôles ont tout avantage à s’entraider. Pour acquérir des infrastructures et des équipements pour la transformation par exemple. Au lieu que plusieurs pôles dépensent de 30 000 à 500 000 $ en moyenne, ils pourraient utiliser les équipements à diverses périodes de l’année, selon les récoltes de chacun.

En conclusion, l'essor des pôles alimentaires au Québec témoigne d'une prise de conscience collective de l'importance de l'autonomie et de la résilience des systèmes alimentaires locaux.

Les études en cours et les projets pilotes révèlent non seulement une volonté de renforcer les liens entre producteurs et consommateurs, mais soulignent aussi les défis inhérents à une telle transformation. Des défis qui, une fois relevés, pourraient mener à des bénéfices substantiels tant sur le plan écologique que socioéconomique.

Les pôles alimentaires s'érigent en modèles de mutualisation et de collaboration, soutenant les agriculteurs et répondant aux désirs des consommateurs pour des produits frais, locaux et accessibles. Ils incarnent également une réponse tangible aux enjeux plus larges de sécurité alimentaire et de développement durable.

En continuant de valoriser ces initiatives et en s'appuyant sur des données probantes, le Québec pave la voie vers une révolution agroalimentaire durable qui pourrait bien inspirer au-delà de ses frontières, marquant ainsi une étape significative vers un avenir où la proximité et la qualité de l'approvisionnement ne sont plus un luxe, mais une condition pour nous permettre collectivement d'opérer une transition écologique pour affronter les changements climatiques, les futures pandémies ou tout simplement la fin du pétrole à bon prix.

Trouvez les bon partenaires pour vos projets de hubs et pôles agroalimentaires régionaux : 

Coop Carbone : Accompagne des porteurs projets pour l’intelligence logistique / mutualisation / stratégie / optimisation opération / réduction des gaz à effet de serre

logo coop carbone

CQCM : Contribue à la connaissance générale des enjeux / partage de connaissances pour pousser à mutualiser

logo cqcm

Collectif Récolte : Accompagne les porteurs de projets pour des consultations sur les projets alimentaires / consultations

logo-collectif-recolte

Arrivage : solution numérique / outil de commande pour simplifier les relations entre des producteurs (ou groupements de producteurs) et professionnels comme les institutions.

logo arrivage circuits courts

Catherine Parke vous embarque à la découverte des projets régionaux inspirants et vous fait découvrir les enjeux réels qui se cachent derrières nos aliments.