Les circuits alimentaires de proximité comme moteurs du développement territorial durable
Les circuits alimentaires de proximité (CAP) connaissent un développement croissant au Québec depuis une dizaine d'années, suscitant l'intérêt des producteurs, des consommateurs et des pouvoirs publics. Une étude de recherche menée par Patrick Mundler et Sophie Laughrea s'est penchée sur les bénéfices de ces circuits pour le développement des territoires. Dans cette étude intitulée "Circuits alimentaires de proximité. Quels bénéfices pour le développement des territoires?" et publiée en juin 2015, les chercheurs ont examiné la situation dans trois municipalités régionales de comté (MRC) québécoises : Lotbinière, Lac-Saint-Jean-Est et Brome-Missisquoi. Les résultats de l'étude ont mis en évidence plusieurs aspects positifs des CAP dans ces territoires.
Donner du sens à son métier d’agriculteur
L'étude a révélé que les exploitations en circuits alimentaires de proximité sont généralement de petites fermes avec des revenus bruts inférieurs à 100 000 $. Bien que la marge bénéficiaire soit souvent inférieure à la moyenne québécoise, les producteurs en CAP se disent satisfaits de leur travail. Ils estiment que la mise en marché de proximité favorise leur épanouissement personnel et professionnel, malgré la complexité et la charge de travail supplémentaires. Il est également intéressant de noter que la proportion d'agriculteurs ayant un diplôme universitaire est plus élevée en CAP, et de nombreux exploitants exercent l'agriculture comme deuxième carrière. De plus, les femmes sont plus présentes à la tête des petites et moyennes fermes de proximité.
Circuits alimentaires de proximité et développement territorial
Sur le plan du développement territorial, les circuits alimentaires de proximité contribuent à la création d'emplois. Ces exploitations génèrent un nombre plus important d'emplois équivalents temps plein (ETP) par rapport à la moyenne québécoise. Cependant, il a été observé que les exploitations dont le chiffre d'affaires provient principalement des circuits longs génèrent plus d'ETP. Malgré cela, les circuits alimentaires de proximité contribuent aux revenus agricoles bruts des territoires étudiés, représentant plus de 2 % de ces revenus et près de 3 % des dépenses alimentaires des ménages. De plus, la majorité des exploitations sont de nouvelles entreprises, ce qui favorise l'entrepreneuriat local. Ces fermes en sont également de plus petites tailles, ce qui favorise l'occupation du territoire.
Accès aux aliments sains et locaux
En ce qui concerne le bien-être de la communauté, les prix pratiqués à la ferme dans les circuits de proximité sont généralement plus bas ou équivalents à ceux des épiceries. Cependant, l'accessibilité physique et le manque de connaissances en cuisine restent des freins importants à une plus grande contribution des circuits de proximité à l'approvisionnement alimentaire des communautés. Néanmoins, presque toutes les fermes en CAP proposent des activités éducatives et accueillent des visiteurs à la ferme. Les démarches collectives, telles que les marchés publics et virtuels, jouent un rôle essentiel dans la cohésion locale en intégrant les producteurs et les mangeurs.
Prendre soin de son environnement direct
D'un point de vue environnemental, les exploitations en CAP ont une proportion plus élevée d'exploitations certifiées biologiques par rapport à l'ensemble du Québec. Elles intègrent également davantage de pratiques agricoles durables, telles que les haies brise-vent et les engrais verts. De manière générale, les exploitations en CAP utilisent moins de pesticides et d'engrais par hectare cultivé par rapport à la moyenne québécoise, à l'exception des productions fruitières. De plus, les exploitations maraîchères en CAP cultivent en moyenne une plus grande variété de semences ou races animales, encouragées par les circuits de proximité. Pas ailleurs, comme le rappelle l'étude, différentes recherches ont montré que l’agriculture biologique a de nombreux impacts positifs sur la biodiversité cultivée, ainsi que sur les populations d’insectes et d’oiseaux présents sur ou autour des exploitations.
Intensifier l’intelligence collective
L'étude a également identifié certaines conditions de succès, opportunités et contraintes pour les circuits alimentaires de proximité au Québec. Différents modes de mise en marché de proximité sont déployés, mais il est nécessaire d'innover pour répondre aux besoins et aspirations des producteurs. La concertation entre les acteurs locaux et la connaissance de la clientèle locale sont des facteurs favorables au développement des circuits de proximité. Les programmes de financement, bien que centraux pour le démarrage et la consolidation des entreprises en CAP, doivent être maintenus pour assurer leur pérennité. Cependant, certaines normes et lois existantes peuvent entraver le développement des circuits de proximité, notamment dans la vente de boissons alcoolisées artisanales et l'abattage locale à petite échelle ou encore les lieux de transformation adaptés.
Conclusion
L'étude de Patrick Mundler et Sophie Laughrea démontre que les circuits alimentaires de proximité ont des bénéfices importants pour le développement des territoires au Québec. Ils contribuent au bien-être des agriculteurs, au développement territorial, au bien-être de la communauté et à la préservation de l'environnement. Cependant, des défis subsistent, notamment en termes d'accessibilité physique et de connaissances culinaires pour une plus grande contribution des circuits de proximité à l'approvisionnement alimentaire local. Une meilleure connaissance de la clientèle locale et des efforts d'innovation sont nécessaires pour renforcer ces initiatives prometteuses et durables.
Retrouvez l'étude complète ici : Circuits alimentaires de proximité - Quels bénéfices pour le développement des territoires? Étude de cas dans trois territoires québécois.
